Maquettes et art: La poésie de De Gobert

Art contemporain au Mac’s, belle rétrospective du travails singulier de Philippe·De Gobert.

0n connaît ses grandes photographies noir et blanc d’ateliers d’artistes vid~s, baignés d’une lumière magique. Calme, reposant, poétique. Mais on découvre vite que cette réalitf est étrange. L’artiste a, en réalité, photographié et fortement agrandi des détails de petites maquettes qu’il confectionne avec soin’. Né en 1946 à Bruxelles, Philippe De Gobert a poursuivi toute sa vie cette voie discrète et singulière aux marges de l’architecture, de la photographie, de la sculpture et de l’artisanat du constructeur de maquettes. On peut y voir un jeu, un art ludique mais aussi une interrogation sur le musée et son espace (il était en 1968 dans l’occupation du :palais des Beaux-Arts à Bruxelles, avec Marcel Broodthaers). . On peut aussi voir comment il réinterroge l’histoire de l’art avec science et drôlerie. C’est lè sujet de la première salle avec sa série des ateliers d’artistes. De 1976 à 1990, il a multiplié les maquettes (échelle 1/10 ~u 1/15) d’ateliers imaginaires des grands artistes et les a photographiées . La rétrospective au Mac’s, accompagnée d’une riche monographie sur De Gobert, présente un mélange de photos et . maquettes. Ainsi, l’atelier de César a une cuisine où tout déborde des casseroles (ses « expansions’) et un. garage où l’auto de César est bien sûr « compressée ». L’atelier de Magritte inverse les tableaux du maître : ici, les objets ont la taille réelle est c’est la pièce qui est miniature. Il faut admirer son atelier de Van Eyck reconstruit à partir de !,a chambre des époux Arnolfini : fascinant par ses détails. Toutè cette salle fonctionne comme un jeu autour de l’histoire de l’art avec au centre un étrange campanile rouge réalisé pour la Maison rouge à Paris et dont on vous laisse la surprise.

Grâce aux jardins japonais
Philippe De Gobert explique qu’il découvrit la puissance des petites échelles grâce aux jardins japonais. · Une seconde salle expose le croisement de ses photographies d’ateliers imaginaires avec celles d’ateliers bien réels, de Brancusi et d’autres. On glisse alors naturellement vers une exploration de l’histoire de l’architecture. De Gobert a photographié l’architecture (pour Pierre Hebbelinck par exemple, lors de la construction du Mac’s !) et en a vu les limites techniques. Il. choisit alors de inaquetter des bâtiments mythiques comme la Mai.son de l’Arbat de Melnikov à Moscou ou la Cité radieuse du Corbusier et de les photographier ensuite.

Ce qui est entre les murs
L’avantage est là: il peut soigner la lumière et en: lever un mur si celui-ci le gêne pour la photo. « C’est l’étude de la lumière qui me fascine » nous dit-il. C’està- dire ce que la lumière révèle, les ombres qu’elle forme, ce qui est entre les murs et qui est plus important que les murs eux-mêmes. Les questions . de l’échelle et de la lumière que De Gobert explore sont celles même de l’art. A cette expo, succède celle d’un jeune artiste, 30 ans plus jeune, Wesley Meuris. Menuisier de formation, il utilise lui aussi la maquette (géante chez lui) et l’architecture, mais cette fois pour questionner la société du spectacle. Pour le Mac’s, il a réalisé deux grandes oeuvres. Une suite d’abord de cages à singes de zoo, mais vides. Le visiteur reste devant la vitre à chercher l’animal absent jusqu’à voir son propre reflet dans la vitre et comprendre que le singe est peut-être lui-même. Dans la grande sale finale, il a fabriqué une rotonde singulière où le visiteur devient le regardé, où il se retrouve entom:é de petites piscines comme des douves de château. Son regard est très différent de celui de Philippe De Gobert mais entre les deux surgissent de surprenantes comparaisons. Guy Duplat